2010, fin d’un cycle de déconvenues politiques
et nécessité d’une remobilisation populaire
Le 05 octobre 1990 est considéré au Togo comme le début du processus démocratique déclenché par un
mouvement populaire composé majoritairement de jeunes qui avaient soif de liberté, de justice et
d’égalité des chances. Ce mouvement insurrectionnel avait été précédé, le 20 juillet de la même année,
par la création de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, association loi de 1901, indépendante de la
très officielle Commission Nationale des Droits de l’Homme, créée en 1988 par le régime à parti unique
au pouvoir à l’époque. Cette période au cours de laquelle les togolais avaient rendez‐vous avec la liberté
d’opinion et d’expression a fait émerger dans l’euphorie une classe politique à qui fut confiée la mission
de conduire à bien les revendications populaires et de construire un état de droit démocratique à la
place de la tyrannie qui prévalait à l’époque.
Vingt ans après le déclenchement de ce processus, force est de constater que les « objectifs » de
démocratisation assignés à la coterie de leaders politiques présumés charismatiques de l’époque sont
encore intacts et attendent des actions concrètes pour leur aboutissement. Aux lieu et place de la
défense d’une cause commune et populaire, les dépositaires de notre jeune démocratie ont privilégié
des intérêts individuels et égoïstes doublés de mépris envers le peuple moteur.
En face, la « machine à broyer » représentée par le pouvoir en place a utilisé tous les moyens pour
arriver à ses fins : se maintenir au pouvoir, oubliant au passage les devoirs régaliens (construction et
l’entretien des écoles, des routes, des hôpitaux, l’emploi…) que lui confère la fonction de représentant
de l’état. Tous les leaders politiques de l’opposition ont non seulement démissionné de leur tâche mais
trahi, depuis la transition jusqu’à l’épisode récent de collaboration de l’opposant charismatique qui tente
de devenir héros sur un strapontin à défaut d’un trône. Toutes ces sommités aux qualités morales et
intellectuelles doublées d’une intégrité insoupçonnable qui ont promis monts et merveilles aux togolais
dans la salle Fazao de l’hôtel du 2 février ont tour à tour trahi l’idéal de la mission populaire pour laquelle
ils étaient à tort adoubés. La seule prouesse à mettre à leur actif est la personnification de la déception
politique, avec l’accumulation des erreurs, prenant toujours de bonnes décisions aux mauvais moments
et surtout de mauvaises décisions aux bons moments.
En analysant de près ces déconvenues politiques, point n’est besoin d’être surpris par le récent acte de
ralliement au pouvoir posé par Gilchrist Olympio qui n’est en fait que le chainon manquant de ce cycle
de déconvenues de la vie politique togolaise. Plutôt que de s’en mordre les doigts, ce qui est tout à fait
justifié et légitime, cet acte « héroïque » est plutôt salvateur car il permet à présent de clarifier la
situation politique et de solder les promesses non tenues de tous ces leaders vieillissants des années 90,
qui à vrai dire n’avaient pas bien mesuré l’ampleur du travail qui les attendait et qui chemin faisant
n’ont pas eu l’honnêteté de se remettre en question.
La fin de ce cycle doit bien entendu annoncer un renouveau bien réfléchi qui doit se servir des
expériences du passé pour bâtir un Togo digne, respecté, travailleur, innovant et prospère. Il revient à
chaque togolais de considérer que ce nouveau départ est une affaire collective mais avant tout
personnelle qui ne doit plus être sous traitée à qui que ce soit et à n’importe quel prix. La situation
actuelle de notre pays comparable à un état de marasme avancé doit tous nous interpeler et nous
recommander une forte implication dans cette nouvelle cause pour la défense des droits élémentaires
au moment où nous constatons le retour en force des méthodes passéistes de gouvernance basées sur la
brutalité, l’intimidation, la force, les menaces et le bâillonnement. Aujourd’hui, les revendications de la
population sont identiques à celles d’il y a vingt ans, économiques au premier chef car touchant aux
intérêts vitaux de la personne humaine. Mais vingt ans après le démarrage du processus démocratique,
les togolais ont toujours soif de liberté, de dignité et de justice, autant si ce n’est plus qu’après vingt ans
de régime à parti unique, parti état. Car entre‐temps, ceux d’entre eux qui ont de la famille ou des amis
dans un pays voisin, ont vu la trajectoire politique suivie par nos voisins et le bien‐être économique et
social qui en découle, pour le plus grand nombre. Lorsque dans une démocratie, le pouvoir nucléarisé
vient à choisir ses opposants il faut craindre une dérive totalitaire et de soumission de toute une nation
contre laquelle le seul remède est celui de la remobilisation et de l’engagement ou du réengagement,
gage d’un nouveau souffle pour notre marche vers la liberté.
Ne pas s’impliquer serait synonyme de « démission » devant une situation chaotique qui, loin de
s’améliorer ira de mal en pis. Le renouvellement de la classe politique togolaise a fortement besoin de
cette implication pour nourrir les idées de sa métamorphose.
Le passé brutal et violent de certaines personnes qui dirigent aujourd’hui le Togo n’est pas de nature à
rassurer. Au contraire ce passé incite à s’interroger sur notre avenir proche et celui de nos enfants et
petits‐enfants. Les échantillons d’un héritage basé sur la brutalité et la violence (physique et morale)
nous sont hebdomadairement servis à travers la gestion des contestations populaires de rue nées des
dernières élections présidentielles.
Un renouveau démocratique effectif est donc incontournable. Il nécessite le renouvellement de la classe
politique qui est donc l’affaire de tous, déçus, satisfaits, pessimistes, optimistes, réservistes, engagés,
riches, pauvres, travailleurs, chômeurs, jeunes, adultes, hommes, femmes, analphabètes, intellectuels,
citadins, villageois, septentrionaux, méridionaux… Il est vrai qu’on ne peut pas s’empêcher de se poser la
question d’une nouvelle déconvenue d’une garantie de bonne fin. Mais, aussi légitime qu’elle soit, cette
question ne doit pas être un frein à notre engagement au risque de laisser le patrimoine commun à un
groupuscule d’individus prêts à tout pour se fossiliser là où ils sont.
Chacun dans son coin a de bonnes idées à partager pour révolutionner la lutte et nourrir le débat pour
l’avènement de la démocratie mais attend peut‐être que l’autre vienne le chercher avant de participer à
l’action commune, ou redoute plutôt l’accueil à lui réservé par l’autre pour ses idées. L’offre de service
doit venir à la fois des initiateurs et des partis politiques de l’opposition dans le respect mutuel et
l’humilité. Les arrestations arbitraires, la torture et les assassinats politiques de l’ère du parti unique ont
gravé dans l’inconscient collectif du togolais que toute activité politique ou citoyenne est dangereuse,
voire irresponsable donc indigne d’un bon père de famille.
Il est temps de cesser de pratiquer la politique du canard qui consiste à être dans l’eau et à refuser de se
mouiller ; cette politique nous dessert et avantage nos oppresseurs.
Ensemble, faisons le voeu de soutenir et d’accompagner le nouveau cycle d’espérance et de quête de
liberté qui commence. Il y va de notre intérêt et de celui de nos descendants.
Synergie Togo,
2 tue de Lancry
75010 Paris
www.synergietogo.org
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